Fluides - Partie I - § II

Mardi 9 août 2011, par Ivan Joseph // Fluides ou Le singulier pluriel

Le plus amusant, encore, c’est que, le jour même de la visite, un élément imprévu a bien failli priver Élisabeth de sa fabuleuse aventure.
Elle était à ce moment assise sur un strapontin d’un wagon de la ligne 12 du métro, en direction de la porte de la Chapelle. Il faisait encore très chaud malgré l’heure avancée de la fin d’après-midi, en ce début de mois de juillet, ce qui renforçait l’impression d’étuve qui régnait dans la rame.
Curieusement, malgré ses origines provinciales et son besoin vital d’une dose minimale et régulière de pure nature, Élisabeth avait toujours aimé le métro. Il faut dire qu’elle aimait les gens, avant tout ; elle les adorait, elle éprouvait à leur égard une véritable passion (chaque jour, le spectacle de l’humanité demeurait pour elle sa plus belle surprise). Or, le métro, c’est aussi - certains diront même : avant tout -, un immense fourmillement de gens !
C’était la prochaine : l’on venait de repartir de Pigalle. Après bientôt vingt ans de vie parisienne, Élisabeth savait maintenant exactement sentir, déchiffrer le moindre mouvement d’une rame, sans même relever la tête. Ce n’était plus son attention mais son corps, ses sens qui s’apprêtaient à lui annoncer l’arrivée du métro à la station Abbesses... Mais précisément, quelque chose se passa, ou plutôt ne se passa pas.
En une seconde, Élisabeth, remarque l’étrangeté, l’incohérence. Pourquoi son dos ne se plaque-t-il pas contre la paroi (elle était assise dans le sens inverse de la marche) ? La vigilance inconsciente du regard de cette lectrice RATPéenne qu’elle s’était accordée d’être pendant la durée du trajet vient pourtant d’ores et déjà de lui signaler la sortie du noir du tunnel. Elle vérifie par la vitre : ce ne sont en effet pourtant pas à présent les habituels panneaux publicitaires qui devraient logiquement lui succéder... mais une longue palissade bicolore ?! La station est en travaux ! Fermée !! Il faudra descendre à Lamarck-Caulaincourt.
Voilà comme il arrive que le hasard joue parfois quelque tour même à un destin : ce ne serait pas pour cette fois...
Mais pour l’heure, ce qui inquiétait surtout Élisabeth, c’était qu’elle risquait de se trouver en retard et de manquer à cause de cela la visite de l’appartement ; qui sait, peut-être l’appartement de ses rêves. Cependant, le moment se situe bien ici, je l’ai dit, dans le « plus amusant », aussi cette légère complication ne gâchera finalement rien. Mieux, l’histoire n’en deviendra que plus inouïe.
Jugez plutôt : Élisabeth a toujours aimé garder le contrôle. Et puis, elle est sportive, énergique, dynamique. C’est pourquoi elle préfère prendre les escaliers à Lamarck-Caulaincourt. Dieu sait pourtant - s’il existe... - qu’il y en a beaucoup, des escaliers, là-bas, tant la station est profonde. Mais elle est pressée. Au moins, elle n’attendra pas l’ascenseur ; elle ne veut pas de cette dépendance supplémentaire à la Machine. Une fois revenue à la surface, son seul objectif est de redescendre au plus vite vers la place des Abbesses. Heureusement pour l’histoire - comme je vous le disais -, là encore, elle commence d’abord par s’égarer. Elle s’engage dans la rue Lamarck puis, prenant conscience de son erreur, rebrousse chemin au niveau de la librairie Les mots bleus...

P.-S.

Fluides - Partie I - Chapitre II

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