À peine la visioconférence achevée, Christiane, comme à son habitude, s’empressa de faire part de son enthousiasme (il faut bien dire, aussi, que son enthousiasme était lui-même tellement habituel) :
« C’était vraiment gé-nial ! Non mais, c’est un véritable puits de science ce Braün ! Vous avez vu un peu, quand il nous a fait tout son super laïus sur les rapports entre le symbole et la culture populaire ! En plus, il expose les choses d’une façon tellement claire ! On pourrait croire qu’il est en train de vous raconter une histoire ! »
Bien souvent, la joie de vivre et de partager de Christiane était si frappante que l’on ne savait plus trop bien si elle vous parlait ou bien riait. En fait, voilà, c’était cela  : elle communiquait quasi constamment aux éclats !
« N’empêche qu’il a quand même fallu que tu t’arranges encore une fois pour être en retard, Lydie », enchaîna cependant sèchement Laurence, malgré ce ton enjoué.
C’est alors seulement que les autres réalisèrent le masque sombre qui crispait le visage de Varennes. Le léger tremblement de sa voix était d’ailleurs révélateur  : elle était encore contrariée par l’arrivée un peu plus qu’in extremis, tout à l’heure, de son équipière. Lydie ne comprit toutefois d’abord pas bien à quel point ce léger imprévu avait pu irriter l’incorrigible rigidité de son modèle ; aussi garda-t-elle encore le sourire lorsqu’elle entreprit, en guise de réponse, de la taquiner une fois de plus sur ce travers :
« Euh... attends, là, l’Amirale, je n’ose comprendre : t’es quand même pas en train de me faire un caca nerveux pour dix minutes de retard, quand même !
- Quinze minutes, Lydie ! Quinze minutes ! »
Laurence était encore assise devant l’ordinateur, mais à présent tournée vers Lydie. Son visage avait déjà rougi, et sa main droite, restée - crispée, elle aussi... - autour de la souris, s’était également mise à trembler d’exaspération.

Fluides - Partie I - Chapitre XI