Fluides - Partie I - Chapitre XXXV

Jeudi 2 août 2012, par Ivan Joseph // Fluides ou Le singulier pluriel

« Non non, Élie ! je me répète, c’est possible, mais je ne vois pas trop pourquoi nous nous sommes embarqués si vite avec cette Élisabeth ; ou alors, je crois qu’il faudrait que tu me fasses une piqûre de rappel.
- Je peux t’aider, je pense, Michel. En plus, tu sais, j’ai pu m’entretenir une nouvelle fois avec elle. Vas-y, dis-moi, qu’est-ce qui ne te paraît pas clair ?
- À vrai dire, un peu tout, Élie. Moi, tu me connais, je ne suis pas contrariant, mais j’avoue que je me demande vraiment ce qui a pu décider l’Amirale à nous engager tous dans cette histoire.
- Tu as bien compris qu’Élisabeth se sent responsable de l’AVC de son frangin tout de même ?
- Mais enfin, Élie, et quand bien même ! Ce ne serait pas la première fois que ça arrive ! Je ne vois vraiment pas là de quoi ouvrir une enquête !
- Tu sais bien que c’est plus complexe que ça. Je vais t’expliquer : rappelle-toi, Élisabeth croit dur comme fer en une sorte de monde parallèle. Tu te souviens, elle l’appelle le théâtre des coins-si-denses  ! Pour elle, chacun de nos actes a des conséquences à la fois visibles, certes, mais aussi invisibles. Selon sa conviction, c’est dans ce dernier registre qu’il faut chercher le lien entre ce qu’elle considère comme sa faute et le coma de Raymond.
- Sa faute ?...
- Oui, tout d’abord, rappelle-toi, le jour de l’AVC, elle avait initialement prévu d’aller acheter le cadeau de Noël de son jumeau à la FNAC de Saint-Lazare.
- Oui, c’est vrai. Et alors ?
- Alors, tu sais que c’est ce jour-là qu’elle a suivi le bas-lanceur. Pour elle, c’est là qu’il faut chercher, dans ce changement de cap, le commencement de sa déroute.
- Elle est un peu bizarre quand même, la fille, tu trouves pas ?
- Ah, voilà notre cartésien de service qui reprend du poil de la bête ! Qui sait, peut-être, Michel. Nous verrons. Ce qui reste cependant troublant, c’est qu’elle apporte d’autres éléments étonnants dans son témoignage, et même si celui-ci revêt assurément quelque chose de pré-interprété. Il y a eu tous ces gestes du bas-lanceur, souviens-toi : il a mimé un dormeur, or, le soir même, Raymond a fait son accident cérébral en plein sommeil ; il a également imité une explosion, que l’on peut assez facilement, avec Élisabeth, associer avec l’éclatement d’un vaisseau sanguin ; de même, lui a-t-il ostensiblement désigné la station Saint-Lazare sur le plan de la ligne de métro qui se trouvait au-dessus des portes par lesquelles il s’est échappé ! Pourquoi précisément Saint-Lazare... où elle devait se rendre ?! Je t’accorde, Michel, que tous ces éléments ne sont pas suffisants pour prouver à coup sûr le bien fondé des déductions de notre nouvelle protégée, mais tu sais aussi que notre Brigade existe par ailleurs parce que nous avons tous choisi de ne pas exclure du champ envisageable de nos “justifications” de la vie de pareilles hypothèses... »

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