L’exploit de l’abandon

Mercredi 3 février 2010, par Annick Lebédyk, Ivan Joseph // La petite fille à côté

L’exploit de l’abandon


Annick a eu une vie d’abandon. Elle a été abandonnée. Dès le début. Par un champion. Elle a voulu le retrouver, toute sa vie. Pour retrouver ce champion, elle n’a pas trouvé mieux que de réaliser des exploits. Après tout, à réaliser des exploits, ne se donne-t-on pas la chance de côtoyer des champions ? Son erreur de calcul, cependant, résidait dans le fait qu’à réaliser des exploits, on ne peut pas être aimée d’un champion. Les champions n’aiment pas la concurrence. Les champions ne cherchent qu’à éliminer l’adversaire, l’autre champion potentiel. Un champion veut rester seul titulaire de l’ultime exploit. À réaliser des exploits, on ne peut que déplaire à un champion ou alors plaire à un admirateur. Pour plaire à un champion, il faut se contenter d’admirer ses exploits. Se contenter d’admirer, aurait-ce été cela, l’ultime exploit d’Annick ?
Annick a eu une vie d’abandon : elle ne peut plaire qu’à un admirateur de cet exploit. Un autre abandonneur ?...


L’histoire d’amour la plus folle


La télé encore. De nouveau. Et cet homme à la télé. Ce Brésilien. Cette ambiguïté adulée à l’époque. Ce travestissement non dissimulé.
Annick le voulait, elle voulait cet homme, cette beauté indéfinie, ou bien définitive.
Il a passé six ans dans sa chambre, dans sa vie. Elle lui a abandonné sa plus grande chambre, la plus belle, décorée comme une loge de théâtre, durant six ans ; durant six ans, sa vie. Elle l’a servi, materné. Elle lui faisait ses costumes de scène. Il lui faisait ses scènes de costume.
Elle est tombée raide de celui qu’elle voulait faire tomber raide. Elle s’est figée dans un miroir.


Répétition générale


Annick s’est singée en miroir. Elle s’est contre-fête : contre mauvaise fortune bon cœur. Chasseuse de quête, elle a poursuivi la lumière en se camouflant en ombre. Si loin si proche, si bien si moche.


Le lit à baldaquin


Véritable tapis volant, le lit de princesse d’Annick était sa seule maison, son pays de voyage, son abri de solitude.


L’essoufflement


Sa respiration.

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