Fluides - Partie II - Chapitre IX

Lundi 31 décembre 2012, par Ivan Joseph // Fluides ou Le singulier pluriel

- Il y a un os, Pascal... C’est pour cela que j’ai souhaité te revoir plus tôt que prévu. Cela ne marche plus comme les autres fois. Les étudiants se rebiffent presque, ce coup-ci. Cela leur paraît absurde de travailler sur un projet à ce point en devenir ; et, par surcroît, un devenir si flou et si aléatoire... Tu comprends ?...
S’il était rare qu’André eût l’occasion de voir son compère dans une attitude d’abattement, pour le coup, à ce moment précis et après cette fin d’introduction de leur nouvelle entrevue par le professeur, il en avait tout le loisir.
- Je suis désolé, Pascal, mais c’est ainsi... Il faut me comprendre... Je ne parviens plus à leur donner le change de mon côté... Il faut que tu m’aides... Nous devons discuter... Le projet doit être plus solide, mieux ficelé... Sinon, ils vont continuer à crier haro à la supercherie... Ils ont l’impression de perdre leur année. Tu sais, Pascal, ce sont des matérialistes, aujourd’hui. Il faut t’y résoudre. L’heure du pragmatisme à tous crins a sonné... Il n’y a que le résultat qui leur importe. C’est le diplôme qui compte avant tout, plus les études ; l’enveloppe, même si celle-ci est vide...
- Ne te fatigue pas, va, Dédé. J’ai compris. On va le leur mâcher, leur travail, à tes fainéants.
- Ne t’emballe pas, vieux frère ! Il ne s’agit pas d’abandonner non plus. J’ai toujours aimé tous nos projets plus aventureux les uns que les autres. J’en redemande. Mais, vois-tu, cette fois-ci, c’est que moi-même je ne saisis plus trop où tu veux aller, où tu m’emmènes et en quoi je peux te renvoyer la balle !
Sosia soupira profondément.
- Écoute André, j’aurais vraiment aimé ne pas en arriver là. J’aurais aimé que tu tiennes le coup, à côté de moi, sans broncher. Mais, j’admets, là, que je t’en demande peut-être beaucoup. Il faut bien qu’à toi, à toi au moins, j’en lâche un peu plus.
- Que veux-tu dire ?
- Tu sais, André, il ne faut pas croire. Je ne me lance pas non plus dans l’inconnu total avec cette nouvelle création.
- Mais je n’ai pas dit ç...
- Je t’en prie, écoute-moi un instant. Je reconnais que j’aime beaucoup l’improvisation, que celle-ci a une grande part dans mon mode d’écriture. Cependant, je tiens aussi toujours à ce que celle-ci puisse libérer tout son potentiel esthétique dans un cadre suffisamment prédéfini et travaillé pour que cela ne revienne pas non plus à se livrer à l’anarchie expressive la plus totale. Bref, ne crois pas que Fluides ne repose sur rien. Il y a une charpente. Peut-être, seulement, éprouves-tu le besoin que je t’en dise un peu plus long sur elle, c’est ça ?
- J’avoue que...
- Bien. C’est d’accord. Mais sache que je ne peux encore concevoir de le faire qu’a minima.
- Je peux parfaitement le concevoir, Pascal.
- Le bas-lanceur ! Voilà, André ! Le bas-lanceur ! C’est la clef ! Tout vient de là. Sans lui, pas de Fluides. Certes, la Brigade aussi a son importance, mais nous verrons cela plus tard. Pour l’heure, sache qu’il faut chercher et faire chercher à tes chers futurs diplômés du côté du bas-lanceur. Il a peut-être bien plus à leur apprendre sur eux-mêmes qu’ils ne peuvent l’imaginer... L’enfance ! Toujours, l’enfance, André ! Tu sais, bien ça ! Fais-les travailler autour de l’enfance du bas-lanceur. Certains vont se rapprocher, tu vas voir. Qui sait, peut-être même que certains vont réussir à trouver. Tiens, un dernier indice. Le bas-lanceur a quelque chose à voir avec Authezat.
- Mais...
- Et c’est tout, André. Je suis désolé, mais c’est tout pour aujourd’hui. Il faut que je m’en aille à présent.
Sur le seuil, Pascal sembla réfléchir encore un instant.
- La gémellité aussi. Authezat et la gémellité...

P.-S.

Fluides - Partie II - Chapitre IX

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